Exemples de mesures de prévention collective

Le coût d'une machine peut être triplé si on ne tient pas compte des nuisances sonores qu'elle produit. En effet, la mise en place de protection peut nécessiter une réorganisation des moyens de communication entre les personnes. Cette réorganisation a un coût qui s'ajoute aux moyens de protection mise en place.

La réduction du bruit à la source dépend de deux facteurs :

  • La conception (achat machine) : choix de la machine ;
  • La correction (entretien machine) : maintenance.

Les basses fréquences sont les plus dures à isoler car elles se propagent à travers les portes et les cloisons minces. La solution consisterait à les bloquer.

La maintenance d'une machine consiste aussi à vérifier l'ensemble des ponts phoniques (passage dans la construction du bruit) et l'état des systèmes permettant leur rupture.

Limiter le « bruit machine » dès l'achat

Lorsque l'on décide d'agir sur l'exposition des salariés au bruit, l'achat de machines « peu bruyantes » doit être la première des mesures de prévention. L'un des principes de base en matière de prévention consiste en effet à supprimer le risque lorsque cela est possible. Ainsi, le bruit émis par une machine devra être considéré, au même titre que la productivité, la fiabilité et la robustesse, comme critère de sélection lors de l'acte d'achat.

Le décret du 29 juillet 1992 (modifié 18/08/96) a introduit dans le Code du travail l'article R. 4312-1 qui concerne les règles techniques applicables lors de la conception et de la construction des machines. Une clause concerne notamment l'émission sonore des machines :

« La machine doit être conçue et construite pour que les risques résultant de l'émission du bruit aérien produit soient réduits au niveau le plus bas possible, compte tenu de la disponibilité de moyens de réduction du bruit, notamment à la source. »

Aussi, en cas d'achat d'une machine, une clause « bruit » doit être prévue par l'utilisateur dans le cahier des charges. Selon les exigences, cette clause pourra faire apparaître :

  • la garantie de non-dépassement de telle valeur d'émission sonore dans les conditions de montage et de fonctionnement ;
  • la garantie de mise à disposition dans des délais raisonnables des pièces de rechange spécifiques à un éventuel dispositif d'insonorisation fourni avec la machine ;
  • la garantie de non-dépassement d'un niveau d'exposition des personnes une fois la machine installée et en fonctionnement dans des conditions spécifiées.

Pour permettre l'élaboration de la clause « bruit », l'entreprise devra réunir, dans l'ordre, les données, les besoins, les contraintes, les exigences qui en découlent.

Isolation des machines

Deux paramètres vont influencer l'isolation :

  • la résonance : propriété d'augmenter la durée et l'intensité d'un son;
  • la coïncidence : heurt d'une paroi perpendiculairement à sa surface et générant une vibration.

La résonance simple d'une paroi simple peut être amortie par couplage de la paroi rigide avec un panneau absorbant.

L'effet de coïncidence peut être diminué soit par :

  • la mise en place d'une cloison double au lieu d'une cloison simple : l'indice d'affaiblissement sera supérieur à celui d'une cloison simple ; le choix de parois d'épaisseurs différentes évite de cumuler les « coïncidences ».
  • la mise en place d'un absorbant sur la paroi rigide dans le cas de la cloison simple.

Traitement acoustique d'un local

La technique consiste à recouvrir les parois du local d'un matériau absorbant, dont le coefficient d'absorption conditionne l'efficacité de la mesure technique. Généralement, on traite en priorité le plafond puis si nécessaire la partie haute des parois verticales.

Cependant, un tel traitement ne permet pas de réduire de façon significative le bruit aux postes de travail situés près des machines très bruyantes. Le gain est d'autant plus sensible que les sources de bruit sont éloignées. De même, lorsqu'une source de bruit est située très près d'une paroi verticale, un traitement acoustique consistant à recouvrir localement cette paroi de matériau absorbant permet de diminuer le champ réfléchi.

Les matériaux absorbants sont des matériaux qui ont la propriété de ne pas réfléchir les ondes. Parmi eux, les plus efficaces sont les matériaux poreux ou fibreux. En général, une faible épaisseur de ces matériaux est efficace dans les fréquences aiguës. L'efficacité d'absorption augmente avec l'épaisseur du matériau dans les fréquences moyennes et, pour certains, dans les fréquences graves.

  • Les matériaux poreux : mousses synthétiques, polyéthylène, polyuréthane à pores ouverts, minéraux expansés rigides tels que la mousse d'argile...
  • Les matériaux fibreux : laines de verre, les laines de roche, les matériaux à fibres végétales, animales ou synthétiques...
  • Les matériaux à cellules fermées : polystyrène expansé, certaines mousses rigides à pores fermés.

Les techniques absorbantes :

  • Les résonateurs plans ou panneaux fléchissant : ce sont des panneaux fixés sur tasseaux ou ossature indépendante et espacés de la paroi à traiter par une lame d'air, qui se déforment sous la pression des ondes sonores. L'absorption est en général maximale dans les basses fréquences.
  • Les résonateurs perforés ou à cavités : ce sont essentiellement des plaques, des panneaux de matériaux divers qui ont été perforés, fixés comme les panneaux fléchissant, ou des briques creuses, des agglomérés creux de béton.

Isoler le local des bruits extérieurs

Isolation du local 

Il faut pour cela interposer un obstacle (mur, cloison, …) à la propagation de l'onde. Une paroi simple, étanche à l'air et réalisée en matériau homogène (béton par exemple) est efficace. Une paroi double donne pour une même masse par unité de surface des résultats encore meilleurs.

Encoffrement de la source 

Pour lutter contre le bruit, la solution idéale est la réduction du bruit à la source. En pratique, cette solution est difficile à mettre en œuvre sur des installations existantes. La solution de compromis consiste donc à enfermer les machines dans des « boîtes » appelées encoffrements.

On distingue trois types d'encoffrements :

  • les encoffrements intégrés ou capotages spécifiques : réalisés au plus près de la machine ;
  • les encoffrements complets, de type modulaire : constitués d'un ensemble de panneaux munis de portes d'accès, de vitrages, de panneaux pré-équipés ;
  • les encoffrements partiels : ensemble d'écrans entourant une source sur plusieurs côtés. 

Pour réussir un encoffrement, il faut respecter trois principes :

  • protéger l'homme : réduire le niveau sonore à l'endroit où se trouvent les salariés ;
  • étudier l'impact : évaluer dès la conception l'impact que l'encoffrement aura sur l'environnement et les méthodes de travail ;
  • travailler en groupe : associer au projet les intervenants de l'entreprise concernés par l'implantation de l'encoffrement.

La mise en place d'un encoffrement se fait en six étapes :

  1. Evaluer les contraintes : établir un relevé exhaustif avec le concours des travailleurs concernés
  2. Isoler la source de bruit : choisir les parois en fonction de l'atténuation recherchée
  3. Absorber le son à l'intérieur de l'encoffrement : tapisser les parois internes de l'encoffrement d'un matériau absorbant
  4. Supprimer les fuites acoustiques : mettre en place des joints pour assurer l'étanchéité
  5. Traiter les ouvertures : installer des silencieux
  6. Découpler l'encoffrement : éviter tout contact entre la machine et l'encoffrement.

Organiser le travail

Isoler les salariés des sources de bruit 

Les écrans simples : en faisant obstacle à la propagation du son, la paroi isolée permet de supprimer le champ direct et une partie du champ réfléchi par le plancher pour des postes situés derrière l'écran.

L'utilisation d'écrans permet de placer l'opérateur dans des zones de silence relatif. Un revêtement absorbant du côté de l'opérateur limite l'amplification du bruit dans la zone de silence. Si les sources de bruit sont multiples son efficacité est nulle : les écrans ne sont efficaces que si le plafond est traité acoustiquement. En champ libre ou proche l'efficacité peut être bonne principalement si les fréquences sont aiguës. Les écrans présentent l'avantage de pouvoir être déplacés pour s'adapter aux exigences d'un poste de travail.

Un écran ne sera efficace que si :

  • le local a été traité acoustiquement ;
  • la source est proche du récepteur ou le récepteur est très proche de l'écran ;
  • sa masse par unité surfacique est suffisante (> 5 kg.m-2) ;
  • ses dimensions sont suffisantes pour être un réel obstacle ;
  • il est lui-même non réfléchissant (revêtu de matériaux absorbants).

Les parois de séparation partielle : fixes et intégrées au local, elles protègent un certain nombre de postes de travail dans une partie du local contre le bruit émanant des autres postes.

Les cabines : lorsque l'isolation acoustique des machines par encoffrement ne peut être envisagée, l'isolation du personnel en cabine insonorisée peut être conseillée.

Les cabines sont utilisées pour les salles de bancs d'essais ou pour les postes de surveillance de chaînes automatiques. Il est préférable qu'elles soient complètement fermées avec une attention particulière à la ventilation, à l'éclairage et la visibilité vers l'extérieur.

Eloigner les hommes des machines bruyantes 

La séparation des machines bruyantes et de postes de travail silencieux est à rechercher dans la mesure où l'organisation du travail, la circulation des hommes et des produits le permettent.

Limiter la durée de l'exposition 

Il est possible d'estimer la durée limite d'exposition à un bruit en fonction de son niveau sonore, compatible avec le non-dépassement du niveau d'exposition sonore quotidienne LEX,d de 80 dB(A) pour une journée de 8 heures.   

 Niveau sonore de la phase bruyante en dB(A)

Durée d'exposition quotidienne maximale

80

8 h

83

4 h

86

2 h

89

1 h

92

30 min

95

15 min

98

7 min 30

101

3 min 45

104

1 min 52

107

56 s

110

28 s

113

14 s

116

7 s

119

3,5 s

Exemples :

  • 15 minutes d'exposition à  95 dB(A) équivalent à 8 h d'exposition à 80 dB(A).
  • 14 secondes d'exposition à 113 dB(A) équivalent à 8 h d'exposition à 80 dB(A).                        

Quelques termes à connaître :

Perte par insertion : perte de puissance acoustique liée à l'insertion de l'encoffrement ; elle correspond à la différence entre la puissance acoustique d'une source mesurée sans l'encoffrement et la puissance acoustique d'une source mesurée avec l'encoffrement.

Indice d'affaiblissement : c'est la différence entre la puissance acoustique incidente et la puissance acoustique transmise.

Transparence : c'est le rapport entre la puissance acoustique transmise et la puissance acoustique incidente.

Coefficient d'absorption : rapport entre le flux d'énergie acoustique absorbé par une paroi et le flux d'énergie acoustique incident.

  Bibliographie

  • Evaluer et mesurer l'exposition professionnelle au bruit. ED 6035, INRS, septembre 2009.
  • Technique de réduction du bruit en entreprise. ED 962, INRS, septembre 2006.
  • Relation entre les plans d'échantillonnage du bruit et les incertitudes de mesure de l'exposition au bruit professionnel. NS 280, INRS, mars 2009.
  • Réussir un encoffrement acoustique. ED 107, INRS, mars 2003.
  • Encoffrements de machines. ND 2144, INRS, 1er trimestre 2001.

 Références réglementaires principales

  • Décret n°88-405 du 21 avril 1988 relatif à la protection des travailleurs contre le bruit
  • Circulaire du 6 mai 1988 relative à l'application du décret n°88-405 du 21 avril 1988 relatif à la protection des travailleurs contre le bruit
  • Articles R 4431-1 et suivants du Code du travail 

 Références utiles

  • Le bruit en milieu du travail. Aide Mémoire Juridique TJ 16, INRS, 5ème édition, 2007.
  • Estimation de l'exposition au bruit de six groupes de travailleurs. NS 259, INRS, juin 2006.
  • AFNOR. Détermination de l'exposition au bruit en milieu de travail - Méthode d'expertise. NF EN ISO 9612, mai 2009.
  • AFNOR. Détermination de l'isolement acoustique des encoffrements - Mesurage sur site. NF EN ISO 11546-2, novembre 2009.
  • AFNOR. Pratique recommandée pour la conception des lieux de travail à bruit réduite contenant des machines - Moyens de réduction de bruit. NF EN ISO 11690-2, novembre 1996.
  • AFNOR. Lignes directrices pour la réduction du bruit au moyen d'encoffrements et de cabines. NF EN ISO 15667, mai 2000.